La consécration d'un peintre mondain

En 1908 Matisse s’éloigne déjà du Fauvisme, Van Dongen conserve sa palette. Cette même année, son exposition chez Bernheim-Jeune est un grand succès commercial et il est invité à exposer quelques oeuvres par les peintres du groupe ‘Die Brücke’ et plus particulièrement par Pechstein: le parallèle entre les deux mouvements est établi. Van Dongen va envoyer à Dresde quelques aquarelles puis participera à une exposition expressionniste à Munich en 1910. Cette même année, il peindra deux magnifiques tableaux de sa femme Guus. Sous contrat avec la galerie Bernheim-Jeune, il dispose de revenus stables et va entreprendre quelques voyages : il se rend en Hollande, puis en Italie. Enfin, ll va partir pour l’Espagne et le Maroc pendant l’hivers 1910/1911. Il y puisera l’inspiration pour deux expositions en juin et en décembre 1911.

La Parisienne de Montmartre

Kees Van Dongen
La parisienne de Montmartre
1911,
Huile sur Toile,
65x 54cm
Le Havre, Musée des Beaux-arts André Malraux

Sa palette va se réchauffer en s’enrichissant de tons orangés et jaunes plus chauds sur les toiles traitant de ces pays. Néanmoins d’une manière générale il va réduire sa palette, baisser les couleurs de plusieurs tons, ses toiles vont faire preuve de plus d’austérité. En 1913, il rencontre la marquise Luisa Casati, amie d’Annunzio, qui lui fera découvrir le grand monde. Il fera une toile d’elle en 1914 et sera sa compagne jusqu’en 1934. Il multiplie les expositions à l’étranger (Russie, Grande-Bretagne), sa palette tend à s’atténuer, il recherche de plus en plus l’élégance des lignes comme on ne peut que le constater dans ‘Le Sentier de la Vertu’; scène en gris et verts qui vient se placer au début d’une seconde série de tableaux sur le bois de boulogne et qui succède à une première série faite de couleurs chaudes et puissantes (voir ‘Au Bois’, 1907/1908). S’il semble s’assagir, il va susciter le scandale au salon d’automne de 1913 : ‘Tableau’, (successivement nommé ‘Nu aux Pigeons’, ‘Le Châle Espagnol’, ‘Le Mendiant d’Amour’), la toile qui représente Guus nue, un châle sur les épaules va choquer public et critiques sera décrochée par la police. Les journaux débattront des semaines durant de l’obscénité supposée de l’oeuvre. Van Dongen part pour l’Egypte en mars 1913 après une dernière exposition chez Bernheim Jeune avant la première guerre mondiale.

A partir de 1913, il s’installe au 33 de la rue Denfert-Rochereau dans une vaste maison de deux étages où il va donner de grandes soirées mondaines, il va devenir le portraitiste à la mode de la bonne société parisienne, le tout-Paris se presse à sa porte pour assister à ses soirées ou pour se faire faire un portrait. Il fut aidé en cela par la contesse Cassati et Jasmy dite ‘La Divine’ avec qui il se mettra en ménage, sa femme restant bloquée en Hollande par la guerre. Son ambition de réussite semble enfin être assouvie : il devient ce que Paul Gsell appela ‘le peintre des névroses élégantes’. C’est à cette époque que l’on considère la période fauve de Van Dongen comme close. En 1914, il aura été le dernier à délaisser le mouvement mais contrairement à Matisse, Braque et Derain, il ne le fait pas dans le but de créer autre chose, mais plutôt pour poursuivre une confortable carrière de portraitiste mondain dont les oeuvres ne sauront traverser le temps. Photo de l'artiste en 1925 à ParisEn 1917, il déménage à nouveau dans un hôtel particulier du Bois de Boulogne et en 1918 Guillaume Apollinaire dira de lui : « Ce coloriste a le premier tiré de l’éclairage électrique un éclat aigu et l’a ajouté aux nuances. Il en résulte une ivresse, un éblouissement, une vibration et la couleur conservant une individualité extraordinaire se pâme, s’exalte, plane, pâlit, s’évanouit sans que s’assombrisse jamais l’idée seule de l’ombre. ». En 1921, va éclater ‘l’affaire Anatole France’. Il peint en effet un portrait du vénérable écrivain français dans un portrait qui le représente en vieillard somnolent que d’aucun diraient gâteux. C’est un tollé dans la presse et le public qui se refuse à voir l’écrivain tel qu’il est (il a alors 77 ans et reçoit en 1921 le prix Nobel de Litérature). Van Dongen est alors son voisin et mettra fin à la polémique en publiant une lettre de l’écrivain dans laquelle ce dernier le remerciait de son portrait et rendait hommage à son talent. Cette parenthèse que l’on appelerait aujourd’hui un coup médiatique ne fera que renforcer le prestige du peintre. Ses portraits sont généralement dénués de toute recherche psychologique et s’il critique les bourgeoises dans des phrases volontairements provocatrices telles que :’L’essentiel, c’est d’allonger les femmes et surtout de les amincir. Après cela, il ne reste plus qu’à grossir leurs bijoux. Elles sont ravies.’ néanmoins aucune ironie ne transparait dans ses peintures, sauf dans ‘Les Deux Parisiennes’ de 1908, mais il ne s’agit pas d’un portrait nominatif, et il n’est pas encore le portraitiste qu’il est dans les années 20. En 1922, il peindra le ‘Portrait de Van Dongen en Neptune’, tableau réalisé pour témoigner d’un bal maqué donné par celui-ci. Ce tableau est le témoin de cette période où l’instinct fauve de Van Dongen a fait place au mondain. A partir de 1919, il ne présenta aux salons que des portraits et passant de mode, on peut fixer la date de fin de cette ‘carrière’ à 1928. On peut remarquer qu’à l’époque Van Dongen ne fût considéré que comme le portraitiste, le reste de son oeuvre, considéré maintenant comme majeur, étant largement inconnu et même si Van Dongen fût fauve avant d’être peintre mondain. Il peindra alors Arletty en 1936, Sacha Guitry en 1941, Maurice Chevalier en 1948, Brigite Bardot en 1960. S’il a atteint le sommet de sa carrière publique, le déclin de son oeuvre est consommé, Vauxcelles, son soutient le plus actif ne peut le soutenir dans cette gageure; en 21 il déclara: « Van Dongen s’était désormais constitué l’historiographe des filles, des éphèbes de toute la lie, de toute la tourbe des femelles faisandées et de leurs amis crapuleux ». La charge est sévère et
'Guus en bleu', 1910, peinture sur toile, 130 x 97 cm, collection particulère Ellen Melas Kyriazi, Lauzanne.

Vlaminck ajouta : « Il a été l’historiographe de tout le dévergondage cynique d’après la victoire... portraits de girls, de misses, de mondaines hystériques, d’étrangères insatisfaites, d’exotiques désaxées ». L’attitude de Van Dongen sur cette époque est équivoque car ses déclarations laissent à penser qu’il reste fidèle à lui-même, avec des déclarations telles que : « Les bourgeoises sont sottes et insignifiantes, les nouveaux riches sont ennuyeux, mais les peintures faites d’après eux sont des chefs d’oeuvre’. A partir de 28, il se replie sur lui-même et il ne peint plus que pour lui-même des bouquets et des paysages. La réhabilitation viendra dès la fin des années 30 avec notamment de grandes expositions à Paris et Amsterdam en 1937.

En 1938, il se marie à Marie-Claire et en décembre 1940, il y un fils, Jean-Marie.

La collaboration avec les nazis marque la fin de sa carrière artistique

En novembre 1941, Arno Brecker, sculteur officiel du Reich convie les peintres français à visiter l’allemagne nazie. Instrument de la propagande nazie, ce voyage fut néanmoins accepté par Van Dongen mais aussi Derain, Vlaminck et Friesz. En 1942, une exposition est organisée par Brecker à l’Orangerie des Tuileries; les trois fauves y participeront encore, mais ils devront affronter le boycott du public. Un grande rétrospective sur l’ensemble de l’oeuvre de Van Dongen est organisée en 1942 avec pas moins de 251 oeuvres exposées à la galerie Charpentier à Paris. L’exposition sera encore une fois boycottée du fait du voyage en Allemagne. Van Dongen paiera plusieurs années son attitude pendant la guerre car jugé trop collaborateur, il ne pourra plus participer aux salons d’après-guerre et ce n’est qu’en 1959 que ses oeuvres seront exposées à l’exposition franco-allemande ‘Le fauvisme français et les débuts de l’expressionnisme allemand’. Il n’y exposera que des oeuvres de 1904 à 1910. Il s’installe à Monaco en 1959.

En 1967 est organisée une rétrospective au musée d’Art Moderne de Paris à l’occasion de ses 90 ans, exposition qui sera donnée à Rotterdam un peu plus tard. Il mourra le 28 mai 1968 agé de quatre-vingt-onze ans à Monaco en tant qu’artiste reconnu.

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Dernière mise à jour : samedie 6 février 1999.